Outils (9) :
un mini-tour chinois

Page créée le 07/02/2025.

Préambule

Je tiens à préciser d’emblée que je ne me fais aucune illusion sur la qualité d’un tel outil, qui vaut moins de 250 €, alors qu’un tour considéré comme à peu près sérieux — je pense aux modèles Vevor ou Proxxon — commence autour de 800 €.

Mon besoin et mes contraintes ne me permettent pas ces options : la contrainte la plus importante est le manque de place, qui implique un matériel léger, facilement déplaçable. D’autre part, je n’aurai à tourner que des pièces de moins de 50 mm, décoratives et non mécaniques, ne nécessitant qu’une précision relative.

Le modèle choisi est de marque The First Tool. Il est proposé chez de nombreux vendeurs sur AliExpress, avec des prix (attention à la puissance du moteur) et des délais de livraison assez variables, selon la provenance — directe de Chine ou d’un pays européen. Le mien est arrivé d’Allemagne en cinq jours, alors que le pays annoncé était l’Espagne.

Photo du site web.

Découverte

Contenu de la livraison

À l’intérieur du carton de livraison, le mini-tour est maintenu dans une coque en carton préformée. Il n’y a rien à monter. Outre la machine elle-même, on trouve dans l’emballage :

Photo du site web.

1. Socle en matière plastique.
2. Câble secteur standard d’environ 1 m avec prise bipolaire.
3. Sachet contenant trois clés Allen, deux barres rondes, deux pointes de centrage, quatre poignées pour manivelles et de la visserie.
4. Pieds autocollants prédécoupés en mousse épaisse.
5. Bloc secteur 12 V / 60 W muni en sortie d’un câble avec interrupteur et prise jack femelle d’alimentation ⌀ 5,5 × 2.
6. Outil à centrer.

Enfin, on découvre une notice composée de trois feuillets A4, en anglais.

La conception est à base de modules en aluminium extrudé munis de rainures à queue d’aronde, de (l × h) 50 × 50 mm : une base, des blocs de rehausse, un bloc moteur, un bloc pour l’avance et un pour la poupée mobile. Il y a bien sûr aussi un porte-outils.

Le poids de l’ensemble est de 4,4  kg.

Fixation des blocs entre eux

La fixation des blocs en superposition est faite par cales à double queue d’aronde à face inclinée formant coin. Le défaut de ce système, on le verra, est de ne pas permettre un serrage vraiment parallèle des blocs entre eux. Pour cela, il aurait fallu un serrage extérieur parallèle, à l’image des lardons des chariots mobiles.

Cliquez sur l’image pour voir la pièce de plus près.

Transmission

La transmission entre le moteur (12 V, 60 W) et l’arbre de mandrin est réalisée par une courroie crantée, protégée par un capot en plastique.

Broches

L’arbre de broche est creux, permettant le passage de barres cylindriques de diamètre maximal 6,5 mm.

Il n’y a pas de mandrin porte-foret pour la poupée mobile. La fixation du mandrin et de la contre-pointe sur leur arbre respectif est réalisée par filetage M12 × 1.

Cliquez sur l’image pour voir les broches de plus près.

Porte-outil

Défauts immédiatement apparents

• Il y a énormément de jeux partout :
  • glissières
  • tourelle
  • manivelles
• La manœuvre des manivelles se fait par à-coups ; sa dureté est variable le long du déplacement et selon le sens de rotation.
• Il n’y pas de variation de vitesse.
• Le câble du moteur se trouve en face avant, ce qui est gênant.

Mise en service

Suppression des jeux

La première chose à faire est de resserrer toutes les vis, puis de régler le jeu des glissières des chariots. Il y en a trois : un pour l’avance, deux pour le porte-outils. Pourquoi deux ? Entre les deux se trouve une couronne graduée permettant le pivotement du porte-outils. Pour ce réglage, il faut desserrer trois vis pointeaux disposées à 120°, dont l’accès est difficile. De plus, leur pointe marque la matière et il devient impossible de corriger le réglage par défaut, les vis reprenant leurs marques précédentes. Je les ai remplacées par des vis M4 classiques à bout plat.

Le réglage du jeu des glissières se fait aussi par vis pointeaux portant sur des lardons en matière plastique. Ici encore, la pointe des vis s’enfonce dans les lardons, de plus en plus au fur et à mesure de l’utilisation, ce qui entraîne la réapparition du jeu et risque même de déchirer les lardons à plus ou moins brève échéance. Ces vis ne peuvent être remplacées par des vis à bout plat, car elles portent sur une surface inclinée à 60° : il y aurait risque de décalage du lardon sous la poussée. Il faut donc remplacer ces lardons trop mous.

Remplacement des lardons

L’idéal serait de l’aluminium de 3, voire 3,5 mm, mais je n’ai que du 2 mm. Je le double donc avec du polystyrène (PS) de 1 mm qui servira d’anti-friction.

Je découpe des bandes d’aluminium de 9 mm. Dans le but de les maintenir à l’angle de 60° pour fraiser leurs bords, je me sers du corps de chariot. Je place d’abord, au fond de la queue d’aronde femelle, une cale en PS d’épaisseur 1 mm et de largeur 28 mm, ceci pour surélever un peu le futur lardon et ne pas risquer d’usiner le support lui-même.

Ensuite, le lardon est placé et bloqué avec des cales en isorel grossièrement mises en forme et enfoncées à force. Il faut vérifier que le lardon repose bien au fond de la queue d’aronde sur la cale en PS.

La hauteur de la fraise ⌀ 6 est réglée pour enlever 1 mm de matière. Après fraisage, un ébavurage est réalisé sur l’arête aiguë. Le lardon est ensuite retourné pour usiner le bord opposé.

Pour améliorer l’accrochage de la colle, la surface opposée aux vis de réglage est rayée au papier abrasif, ainsi que la cale en PS, puis ces deux pièces sont collées à la cyanoacrylate (CA). Cela suffira pour empêcher leur déplacement mutuel.

À droite, ancien lardon.

Réglage des lardons

Un premier réglage est effectué sans la vis d’avance : cela permet de mieux sentir les frottements. Après assemblage des glissières, je serre les vis pointeaux assez fortement pour marquer le lardon et ainsi éviter qu’il se déplace. Ensuite, je desserre les vis puis je les resserre en faisant coulisser la pièce mobile pour bien ressentir les frottements. Il est important que le lardon se remette à la même position après démontage ; pour cela, je trace un repère au feutre entre le corps et le lardon.

Suppression du jeu des manivelles

Les manivelles sont montées sur leur arbre cylindrique avec un simple méplat pour l’arrêt en rotation, avec fixation par écrou « Nylstop ».

Au niveau des méplats, il y a un écart de 0,2 à 0,3 mm qui donne un jeu très important. Pour le supprimer, je fabrique des cales de maillechort de 15 × 2,5 × 0,2 ou 0,3 mm (selon les cas). Chaque cale est rayée au papier de verre, ainsi que le méplat de la manivelle.

La cale est collée sur le méplat à la CA. La cale a ses bords arrondis à la lime.

Après remise en place de la vis d’avance munie de ses rondelles dans son palier (et lubrification), la tête de manivelle y est remontée et enfoncée à force.

Avant remontage de l’ensemble, la vis est huilée ; les portées de glissière sont graissées à la vaseline.

Le fonctionnement obtenu est nettement plus doux qu’avant.

Mandrin

Le mandrin fourni est à trois mors en alliage de zinc. Diamètre extérieur : 48 mm. Serrage intérieur mini : 2,5 mm ; serrage maxi environ 25 mm.

Le serrage du mandrin est contre intuitif, car il faut dévisser pour serrer. Il se bloque non à l’aide d’une clé, mais de deux tiges fournies, l’une dans la partie moletée, l’autre dans le support des mors.

La mesure de la concentricité au comparateur révèle un faux rond de 16/100.

Cliquez sur l’image pour voir l’autre position du comparateur.

Ce faux-rond ne peut être corrigé qu’en usinant les mors avec un foret dans la poupée mobile, correctement aligné, ce qui n’est pas possible pour le moment.

Mésalignement

L’alignement est vérifié entre la pointe à centrer et la pointe de la poupée mobile.

Cliquez sur l’image pour voir les pointes de plus près.

Ce décalage existe tant dans le plan horizontal que dans le plan vertical.

Pour rattraper le décalage vertical, j’ai placé deux morceaux de feuillard de cuivre de 0,1 mm sous le bloc moteur ①. Pour le décalage horizontal, j’ai placé deux cales de maillechort de 0,2 mm entre le même bloc et la plaque de renfort verticale ②.

Cliquez sur l’image pour voir les cales de plus près.

Attention : lorsque je serre les fixations inter-blocs à double queue d’aronde, les blocs peuvent se déplacer et font perdre ainsi le réglage si péniblement obtenu. Décidément, cette machine n’est pas très bien conçue…

Autres modifications

Entrée de câble

Comme déjà mentionné, l’entrée du câble d’alimentation est sur le devant, ce qui est gênant. Donc je fraise un passage de câble identique à l’arrière de la plaque de fermeture du bloc moteur, fraise ⌀ 6, profondeur 2 mm.

Câble pour branchement

Achat de pièces complémentaires

Mandrins

Un mandrin de perçage à monter sur la poupée mobile serait très utile, mais non inclus. Sa fixation se fait par filetage M12 × 1.

Note : les mini-tours chinois semblent bien être des copies de l’Unimat 1 Classic. Pour preuve (mais à un prix quasi double !) :

Photo sur The Cool Tool.

Outils de coupe

Le barreau carré de 4 mm fourni étant insuffisant, j’ai acheté un jeu d’outils Proxxon. Ils s’adaptent dans le porte-outils avec une cale de 0,7 mm pour obtenir la hauteur voulue.

Reprise du mandrin

La reprise en concentricité du mandrins est réalisée avec une pince porte-foret côté poupée mobile. Le mandrin étant serré au maximum, une première passe est faite avec un foret ⌀ 2,5, la deuxième à ⌀ 3. Il a fallu ensuite reprendre chaque mors pour ébavurage. J’ai enfin obtenu une concentricité acceptable, bien que pas parfaite.

Essais de tournage

J'ai fait des essais avec un rond de laiton ⌀ 4 et l’outil Proxxon forme 1 (arête de coupe à gauche, pour chariotage). Pour obtenir un état de surface acceptable, il faut tourner vite, avec des passes de 0,1 mm au maximum et une avance lente. Malgré ces précautions, il arrive que la pièce en cours d’usinage monte sur l’outil et se coince ! Conséquence : pièce détériorée à refaire !

Un chariotage sur environ 12 mm avec une passe de « finition » de 4/100 censée donner un cylindre de diamètre 2 mm, a donné une variation de 0,1 mm d’une extrémité à l’autre !

J'ai aussi essayé de forer un centre pour utiliser la poupée mobile, à l’aide d’un foret carbure ⌀ 1,5 — je n’ai pas de foret à centrer —, mais ce foret était de nouveau désaxé, malgré le soin que j'avais pris au réglage d’alignement.

Conclusion

À la lecture de ce qui précède, vous vous doutez que je ne suis pas enchanté de mon acquisition.

Comme dit au début, je ne m’attendais pas à des résultats d’excellente qualité, mais j’ai quand même été déçu ! Je ne recommanderai donc en aucun cas cette machine, bien que l’apparence en soit flatteuse. En fait, c’est sa conception modulaire qui constitue son principal défaut, car elle entraîne manque de rigidité et défauts d’alignement.

Retour et remboursement

Sans trop y croire, car j’avais dépassé le délai de retour de 15 jours (si j’ai bien compris le règlement AliExpress), j’ai fait une demande de remboursement qui a été acceptée en trois jours (le montant remboursé comprend l’objet et les frais d’expédition). Une étiquette de retour Colissimo m’a été envoyée. Eh bien, ce remboursement a été effectué au bout de deux semaines.

Alternative

Pour un encombrement et un poids semblables, mais pour un prix double, Proxxon propose le tour de « précision » FD 150/E. Je ne suis pas sûr que la qualité soit proportionnelle au prix, mais ce mini-tour propose des caractéristiques intéressantes, comme le déblocage rapide de la poupée mobile par levier, deux vitesses mécaniques, variation de vitesse, etc. De plus, les emmanchements sont coniques, et la broche accepte des pinces ER 11.

Voir la vidéo promotionnelle sur Youtube (en anglais).