Un microscope
pour modéliste ?

Page créée le 6/02/2020 ; mise à jour le 13/02/2020.

Pour travailler sur de petites pièces, que ce soient des composants CMS sur circuit imprimé ou des pièces de détaillage sur un modèle réduit, j’utilise depuis quelques années des lunettes grossissantes OptiVisor qui permettent de voir en stéréo, ce qui serait impossible avec une loupe d’horloger.

Loupe frontale Optivisor

Il y a quand même un inconvénient : je suis obligé de m’approcher assez près des objets ; du coup, je respire des effluves de flux de soudure ou de colle. Ni très agréable, ni très sain. D’autre part, il faut constamment relever les lunettes pour une vision normale puis les rabattre pour travailler. Difficile aussi de porter en même temps un casque audio pour écouter sa musique préférée.

J’ai pensé à une autre solution alors que je cherchais une idée de cadeau scientifique pour un de mes petits-enfants : un « microscope numérique » ! En fait, je dirais plutôt loupe électronique. Oui, mais avec les grossissements promis (× 1000), on dépasse les capacités d’une loupe… Les promesses n’engageant que ceux qui les croient, attendons de voir…

Mes achats

Parmi mes critères de choix, il y avait :

J’ai voulu d’abord me renseigner sur les qualités et les défauts de ce genre d’objet. Première déception : sur les sites prétendument de comparaison, on se contente de donner une brève description, puis de recopier l’argumentaire des vendeurs, sans aucun test objectif. Encore mieux : le classement de qualité n’est fondé que sur le nombre de ventes ! Je tiens donc à dénoncer ce genre de site complètement bidon !

Je vais devoir me faire ma propre opinion. Une première recherche m’amène à certaines constatations. D’abord, les premiers prix sont aux environs de 20 €, mais sans liaison Wi-Fi. Pour avoir celle-ci, il faut monter à plus de 30 €. Cependant, le Wi-Fi n’est possible qu’avec un smartphone. Pourquoi ? Je n’en sais rien. N’insistons donc pas sur ce point.

Pour ce qui est de la résolution d’image, la plupart annoncent 2Mp, soit 1920 × 1080 pixels. On verra ce qu’il faut en penser.

Microscope Digital Heystop

J’ai commencé par acheter ce modèle.

Note : je donne les liens non pas parce que je recommande les produits, mais pour que vous puissiez vérifier mes propos. Autant vous dire tout de suite qu’aucun des modèles cités ne respecte exactement ses promesses.

L’appareil est livré sans logiciel ; il faut se rendre à une adresse Internet et télécharger un utilitaire, camera.exe, qui s’avérera le même pour les autres modèles.

Écran d’accueil de Smart Camera

La zone noire est celle d’affichage que j’ai réduite ici. On peut passer en plein écran avec le bouton .

Réglages

Quels sont les paramètres de réglage ? Voyons l’onglet Settings.

Écran de configuration de Smart Camera

Première constatation : aucun réglage pour les photos. Pour la vidéo, on a quelques choix dont certains rendent l’image instable ou dédoublée… On notera que le format vidéo le meilleur est celui affiché, de 1280 × 720, soit 921 600 pixels. On est loin des 2 Mp annoncés.

Vous aurez peut-être remarqué un bouton Video Advanced Settings. Comme son nom l’indique, il est réservé à la vidéo. Il permet d’accéder à différents réglages sur l’image (couleur, balance, etc.) et sur la caméra. Mais les quelques essais que j’ai faits n’ont pas permis de voir une influence quelconque de ces réglages.

Résolution d’image

Eh bien, pour la photo, je le confirme, la résolution est aussi de 1280 × 720, et il n’y a aucune possibilité de la modifier. J’ajouterai pour être honnête que les 2 Mp sont possibles en Wi-Fi avec smartphone. Mais je n’ai pas envie de jongler entre PC et smartphone, et, quoi qu’il en soit, cette restriction n’est pas mentionnée sur le site. Il s’agit donc d’une allégation mensongère.

Agrandissement et mise au point

Le réglage de « grossissement » se fait par une grosse molette latérale (très bien !) qui a énormément de jeu (beaucoup moins bien !), ce qui fait bouger l’image et rend donc le réglage très aléatoire.

La mise au point s’effectue en avançant ou en reculant l’appareil par rapport à l’objet à regarder. C’est normal : on fait la même chose en macro photo classique, car c’est plus efficace et plus précis que d’agir sur la mise au point de l’objectif. À condition de pouvoir le faire dans de bonnes conditions.

Support

Avant de faire les premiers tests, il faut monter l’appareil sur son support. Ici, on croirait que les fabricants se sont ingéniés à trouver la solution la plus mauvaise possible, en tout cas certainement la moins chère possible.

Dans le cas présent, le réglage se fait avec un écrou papillon qui serre deux plaques elles-mêmes enserrant deux rotules (en plastique), vous savez, comme sur les « troisièmes mains » bon marché. Impossible à ajuster à une position précise. D’autre part, l’appareil se monte dans le support par un clip qui s’insère dans une rainure. Celle-ci est plus large que les doigts du clip qui y pénètrent : il y a un jeu important. Il suffit d’effleurer l’appareil (bien obligé pour faire la mise au point) pour tout dérégler.

De plus, si on fait tourner l’appareil pour redresser l’image vue sur l’écran, il y a de grandes chances que le clip masque au moins partiellement la molette de réglage ! Enfin, la distance au plan de travail est ridicule, à moins de positionner l’appareil en oblique (la profondeur de champ le permet).

Pied support du Heystop

Grossissement

Il est indiqué en grands caractères sous la molette : 50× à 1000×. Mais qu’est-ce que Grossissement signifie ? Rien à mes yeux. Ce qui compte, c’est le grandissement, c.-à-d. le rapport entre la taille de l’objet et sa reproduction, ici sur l’écran. Il est évident que ce rapport sera très différent entre un smartphone et un écran de bureau.

En fait, sur mon écran de 24 pouces, le grandissement, mesuré en affichant l’image d’un réglet, est de 220× au maximum lorsque l’embout de l’appareil touche le réglet ! Pour arriver à 1000×, il faudrait donc un écran de 109 pouces, soit presque 2,8 m de diagonale…

Photo d’un réglet pour mesurer le grandissement

Remarquez sur cette copie d’écran le bas de l’image qui devrait être gris neutre. Cela montre à quel point j’ai dû modifier la balance des couleurs pour obtenir une teinte acier acceptable pour le réglet. La balance automatique s’est fait piéger par le fond vert de mon tapis de coupe !

En fait, pour mon application principale, ce grandissement maximal ne m’intéresse pas, car il faut pour travailler sous l’appareil un dégagement d’au moins 60 mm. Mais il peut être sympathique pour visionner par exemple de petits animaux comme les acariens qui vivent dans la croûte de la mimolette ! Ou d’autres choses nettement plus dégoûtantes que je laisse à votre imagination…

Il y a sur le corps de l’appareil deux boutons marqués + et −, dont la notice nous dit qu’ils servent à régler le niveau de zoom. Cela fonctionne peut-être en Wi-Fi, mais pas en USB.

Qualité d’image

Qu’en est-il de la qualité d’image ? On s’en doutera : très médiocre, en dépit d’une profondeur de champ importante due probablement à la très petite ouverture de la lentille. Cette profondeur de champ, que l’on n’a jamais avec un vrai microscope, est très appréciable pour travailler sous l’appareil : on n’a pas tout le temps les mains ou les outils à une distance constante et précise de l’objectif.

En revanche, pour publier des images, c’est beaucoup moins reluisant : l’exposition et la balance de couleur sont automatiques, et changent d’une image à l’autre. Pour la cohérence colorimétrique des images, on repassera !

Aspect pratique

Quid de l’aspect pratique pour lequel j’ai acheté cet appareil ? Je m’attendais à un problème récurrent de ces appareils révélé sur une vidéo de Électro-Bidouilleur : le temps de retard ou latence entre les mouvements et leur reproduction sur l’écran. Je dois dire que c’est assez sensible au début, avec la sensation d’une sorte d’ivresse. Mais on s’habitue vite ; il faut seulement avoir des gestes lents, tant à cause de ce retard que de la grande amplification des mouvements.

J’ai par exemple réussi à fabriquer assez facilement de très petits anneaux (⌀ 1 mm) et à les raccorder par un fil sur une chaînette. Un autre avantage est que l’on voit tout de suite les défauts qui seraient invisibles à l’œil nu (en tout cas pour moi !).

Fabrication d’un anneau

Fabrication d’une chaîne avec crochet

Concernant la soudure de composants électroniques, c’est un peu moins facile à cause des reflets de l’éclairage à LED intégré trop direct. Cependant, on peut utiliser un éclairage extérieur, mais ce sera difficile à ajuster pour un certain confort.

Vue d’un circuit imprimé avec composant CMS

Conclusion provisoire

La qualité est très limite, quelques allégations sont soit mensongères, soit biaisées, mais cet appareil est utilisable à condition de trouver un support de meilleure qualité. De plus, l’appareil est relativement cher, en tout cas plus que d’autres de caractéristiques semblables que nous verrons plus loin.

Je remarquerai avant de continuer que les appareils que je vais tester plus loin ont presque les mêmes qualités et défauts, à quelques nuances près.

Il faut un support de meilleure qualité

Un tel support est absolument nécessaire pour obtenir des images stables. J’ai trouvé ce modèle, qui existe sous différentes marques et à des prix variés. Il est livré avec certains microscopes. Il est fabriqué pratiquement complètement en aluminium. La colonne à crémaillère peut s’orienter en tout sens grâce au gros écrou du pied. La friction se règle avec le petit bouton moleté à l’arrière, et la hauteur avec l’un ou l’autre des deux gros boutons latéraux.

Il est livré avec une housse semi-rigide qui permet de le loger (démonté en deux parties) avec votre microscope préféré.

Support dans sa housse

Le seul reproche que je peux lui faire est d’avoir une colonne un peu courte : la distance maximale entre le plateau et le bas du microscope n’est que de 110 mm environ (elle dépend du microscope). Mais comme on peut orienter le support hors du socle, cela n’a pas grande importance.

Microscope numérique sans fil Pancellent

Voici ce modèle.

Les caractéristiques données sont quasi les mêmes que pour le précédent. Le prix est quasi le même aussi. Les différences : le support qui est ici à flexible en « col de cygne », et la présence de « lames de préparations », dont le vendeur dit un peu naïvement (sic) : [Collection de 12 diapositives] Avec les matériaux en plastique, ce n’était pas aussi clair que le verre, mais ils sont plus sûrs pour vous et peuvent stimuler la curiosité des gens pour l’exploration d’éléments microscopiques. Évidemment, pour la sécurité d’un enfant, une lame de plastique est moins dangereuse que du verre, mais, avec l’épaisseur des lames, le collage avec du ruban adhésif, plus les réflexions de lumière, on ne voit presque rien. Aucun intérêt donc.

À l’usage, le support flexible serait plus agréable que celui à papillon, sauf que le clip est exactement le même, et donne le même jeu qui le rend inutilisable ! Le socle, en plastique, est quadrillé en centimètres et possède des règles graduées. La vis de fixation du flexible dépasse sous le socle qui n’est pas assez fraisé. Comme il n’est pas muni de pieds, cela rend l’ensemble bancal, ce qui n’arrange rien.

Microscope Pancellent sur son support

Cet appareil est un peu plus court que le Heystop. Sa molette de zoom a moins de jeu et est plus ferme. En revanche, le réglage de l’intensité lumineuse des LED est très peu progressif, presque en tout-ou-rien.

Les circuits électroniques semblent identiques (je n’ai pas démonté), le logiciel est le même.

Ici, même sur smartphone, je n’ai pas réussi à obtenir la résolution de 2Mp.

Finalement, à part le support un peu meilleur, rien ne départage vraiment les deux appareils. Par conséquent, les deux ont été renvoyés à leur expéditeur. Je ferai remarquer que j’ai signalé sur le site de vente « les informations incorrectes sur le produit », ainsi qu’aux vendeurs eux-mêmes. Réaction des vendeurs : on vous propose une réduction, ne dites rien, on va corriger l’annonce ! J’ai refusé. Trois mois après, aucune modification n’a été effectuée dans la description des produits.

Microscope numérique sans fil LayOPO

Voici ce modèle.

En voyant la photo du produit, on se doute que c’est exactement le même que le précédent. Avec les « préparations » en moins, et pour 9 € de moins, ce qui n’est pas rien. On lui pardonnera peut-être plus facilement quelques défauts…

Avant de commander, je demande au vendeur si la résolution est bien de 2Mp comme indiqué, en précisant que je suis sous Windows et que j’ai été déçu sur ce point par d’autres produits semblables. La réponse est absolument positive. Je ne suis pas totalement dupe ; on verra bien.

L’inconvénient est que le produit vient directement de Chine, donc le délai est de trois semaines, même plutôt un mois en réalité… Et, bien entendu, à l’arrivée, la résolution n’est que de 1 Mp.

Ici, il a fallu plusieurs échanges de messages pour qu’ils admettent enfin la fausse allégation, après des réponses parfaitement dilatoires. La « langue de bois » n’est pas réservée aux politiciens. J’ai obtenu une réduction de 60 %… En réalité, seulement 30 %, car j’ai acheté deux appareils (rappelez-vous, au départ, c’était un cadeau pour un petit-fils, à qui il a bien plu d’ailleurs). La réduction n’a porté que sur le dernier acheté.

Cette fois, j’ai conservé l’appareil, sachant que tous ceux que je trouverais dans cette gamme de prix seraient quasi identiques.

Dernière chose : il faudra penser à protéger l’objectif des fumées de soudure.

Comparaison des modèles testés

NB : les deux derniers modèles, identiques, sont regroupés dans une même colonne de ce tableau comparatif.

Caractéristique Heystop Pancellent / LayOPO
Support Articulation avec écrou papillon Flexible sur socle plastique
Distance min. du socle 0 mm 10 mm
Dist. max. du socle 14 mm 60 mm
Maintien dans support Mauvais Mauvais
Allumage / extinction Par pression prolongée Par pression prolongée
Molette de réglage Beaucoup de jeu Assez ferme, peu de jeu
Facilité de réglage Mauvaise Moyenne
Qualité éclairage 8 LED ton froid 8 LED ton froid
Puissance éclairage Moins fort Assez fort
Réglage éclairage Assez progressif Peu progressif
Grandissement maxi
(sur écran 24”)
220x 220x
Câble de liaison USB Un peu juste : 102 cm Trop court : 83 cm
Logiciel PC Camera.exe, très basique
Latence Retard sensible Retard sensible
Résol. max. sur PC 1280 × 720 1280 × 720
Résol. max. Android 1920 × 1080 1280 × 720
Qualité d’image Médiocre, balance et luminosité auto non modifiables
Définition sur image de :
C. imprimé à 100 mm 371 Ko 413 Ko
Code barre à 100 mm 315 Ko 348 Ko
CMS à 0 mm 291 Ko 299 Ko

N’y a-t-il rien de mieux ?

En y mettant le prix, peut-on trouver mieux, sans aller jusqu’à la loupe binoculaire classique ?

Dinolite

Dinolite, marque américaine, propose une gamme supérieure en prix, très supérieure même. Ici, on commence aux alentours de 134 €, pour une résolution de… 0,3 Mp, et on monte à près de 300 € pour 1,3 Mp. Les capteurs des appareils chinois seraient-ils surfaits ?

Malgré les prix, et apparemment un logiciel beaucoup plus évolué, ces appareils ne donnent pas forcément satisfaction, témoin cette vidéo de 2016 (en anglais) dont l’auteur ne mâche pas ses mots (it’s a $700 piece of shit). Il faut dire que ce réparateur de circuits imprimés dispose d’un vrai microscope binoculaire avec capteur numérique. Il est habitué au luxe !

Andonstar

Dave Jones (EEVblog), dans sa vidéo Cheap USB Microscope Reviews, en anglais, déjà ancienne (2014), rejoint mes propres constatations. Le deuxième appareil testé semble meilleur, et permet de nombreux réglages logiciels. Un modèle semblable, mais pas forcément de la même qualité, est disponible en France : le Andonstar A1. Il est livré avec un support qui semble de bonne qualité.

Electro-Bidouilleur a testé le Andonstar ADSM201 en 2017. Cet appareil est disponible ici, ou, moins cher ici. L’écran incorporé n’est pas forcément très pratique à mon goût, mais il y a une sortie HDMI pour la connexion à un écran extérieur.

Conclusion

À condition de choisir le modèle le moins cher — il y en a encore de moins chers si on ne tient pas à la liaison Wi-Fi — et de choisir un support plus sérieux que celui fourni, ce genre d’appareil peut rendre service comme loupe numérique. Mais il ne faut pas lui demander une qualité d’image semblable à celles des APN ou des smartphones. On en est très loin.

Dans la gamme basse de prix, le Andonstar A1 semble un choix intéressant, mais je ne l’ai pas testé.

Microscope digital Heystop
39 € — prix 2020
chez Amazon

Support Jiusion pour microscope numérique
20 € — prix 2020
chez Amazon

Microscope numérique Pancellent
38 € — prix 2020
chez Amazon

Microscope numérique sans fil LayOPO
29 € — prix 2020
chez Amazon

Dinolite
À partir de 134 € — prix 2020
chez Amazon

Andonstar A1
39 + 5 € — prix 2020
sur ebay.fr (lien rompu)

Andonstar ADSM201
150 + 13 € — prix 2020
sur ebay.fr (lien rompu)

Andonstar ADSM201
129 € — prix 2020
chez aliexpress